Fab parle de ce texte dans l’épisode 19
Le pardon est une douleur du cœur et difficile à atteindre parce que, étrangement, il refuse non seulement d’éliminer la blessure originelle mais nous attire en réalité plus près de sa source. Approcher le pardon, c’est se rapprocher de la nature même de la blessure, le seul remède étant, à mesure que nous approchons de son centre brut, de réimaginer notre relation avec elle.
Il se peut que la partie de nous qui a été frappée et blessée ne puisse jamais pardonner, que, remarquablement, le pardon n’émerge jamais de la partie de nous qui a réellement été blessée.
Le moi blessé peut être la partie de nous incapable d’oublier, et peut-être pas réellement destinée à oublier, comme si, à l’instar des dynamiques fondamentales du système immunitaire physiologique, nos défenses psychologiques doivent se souvenir et s’organiser contre toute future attaque – après tout, l’identité de celui qui doit pardonner est réellement fondée sur le fait même d’avoir été blessé.
Plus étrange encore, c’est cette partie de nous, blessée, marquée, ne pouvant oublier, qui finit par faire du pardon un acte de compassion plutôt qu’un simple oubli.
Pardonner, c’est assumer une identité plus large que la personne qui a été blessée en premier lieu, pour mûrir et amener à fruition une identité qui peut non seulement entourer de son bras l’affligé en nous, mais aussi les souvenirs gravés en nous par le coup original, et par une sorte de virtuosité psychologique, étendre notre compréhension à celui qui l’a d’abord donné.
Le pardon est une compétence, une manière de préserver la clarté, la santé mentale et la générosité dans une vie individuelle, une question magnifique et une façon de façonner l’esprit vers un futur que nous voulons pour nous-mêmes ;
pardonner, c’est aussi admettre que si le pardon vient par la compréhension, et si comprendre est juste une question de temps et d’application, alors nous pourrions aussi bien commencer à pardonner dès le début de tout drame plutôt que de nous infliger tout le cycle de la suppuration, de l’incapacité, de la guérison réticente et de la bénédiction finale.
Pardonner, c’est se placer dans un champ gravitationnel d’expérience plus large que celui qui semblait nous blesser initialement. Nous nous réimaginons à la lumière de notre maturité et nous réimaginons le passé à la lumière de notre nouvelle identité ; nous nous permettons d’être dotés par une histoire plus grande que celle qui nous a d’abord blessés et laissés désemparés.
La grande miséricorde est que l’acte sincère d’essayer de pardonner, même s’il n’est pas entièrement réussi, est une forme de bénédiction et de pardon en lui-même.
À la fin de la vie, le désir d’être pardonné est finalement le désir principal de presque chaque être humain.
En refusant d’attendre, en étendant le pardon aux autres maintenant, nous commençons le long voyage pour devenir la personne qui sera assez grande, capable et généreuse pour recevoir, à la toute fin, cette absolution nous-même.
Librement traduit de https://davidwhyte.com/pages/consolations